Les bahuts du Rhumel (la revue)
Dans la belle cour aux acacias….
FOCUS sur un article du n°1 des ‘Bahuts du Rhumel’ à l’occasion des 25 ans de leur existence…. Une occasion d’évoquer l’Ancien lycée Laveran de la Rue Nationale.
DANS LA BELLE COUR AUX ACACIAS …
MES AMIES du lycée Laveran, pourquoi nous retrouvons-nous toujours avec tant de joie et d’émotion ? C’est parce que nous sommes réunies, comme autrefois – il y a, en effet, quelques décennies de celà dans la belle cour carrée de notre lycée.
Elle me revient souvent à l’esprit, cette cour plantée d’acacias, avec ses préaux sur lesquels s’ouvraient les » petites classes », la salle de gym, le réfectoire dont la porte était encadrée, à l’heure de la sortie, par deux immenses corbeilles à linge contenant le goûter de celles qui n’avaient pas le statut d’externe : côté pain, côté chocolat.
Cette cour, elle nous a vu passer de l’état de petite fille à celui de femme. Elle nous a vu évoluer, en toute amitié, toutes origines et religions confondues. Elle a connu nos joies, nos peines, nos succès, nos échecs, nos espoirs, nos déceptions. Elle a entendu nos confidences, et ri des frasques – jamais graves, toujours sympathiques – des plus espiègles. Comment oublier ce lycée, solide bâtiment aux limites des quartiers arabe et juif, symbole, peut-être, d’une cohabitation que le vent de l’Histoire a bousculée ?
On y accédait par la rue Nationale, dévalée à toute allure, le pain de six sous en poche pour les petits creux de dix heures, et sans manquer jamais d’accrocher au passage, les odeurs – mèlées - de café, d’épices, de cuir émanant des échoppes arabes.
Au premier étage, donc, cette cour que j’ai adorée. Au deuxième étage, les salles de classe : fenêtres grandes ouvertes sur un ciel bleu inoubliable et où, dans le silence des heures sages des compositions, remontaient les bruits caractéristiques de la rue, et même l’écho des litanies coraniques venant de la Médersa toute proche.
Un flash sympathique: ce brave Salah aux bacchantes énormes, seul élément de sexe masculin ,employé à temps plein dans ce lycée exclusivement réservé aux filles ! Il faisait signer, par les professeurs l’imposant registre des absences, alimentait les vieux poêles en hiver et les encriers en toute saison … nous avons connu les plumes sergent-major !
Comme il a compté, pour nous, ce bon lycée ! Nous y avons été éveillées aux choses de la vie et à une culture dont chacune a tiré profit à sa manière. Rendons grâce aux professeurs éminents qui nous ont passionnées, à ceux – pittoresques – qui nous ont amusées, et pardonnons à ceux qui nous ont ennuyées.
Je serai toujours mélancolique en pensant à tout cela. Mais je veux continuer à vous retrouver, toutes et souvent, comme autrefois, dans notre cour de récréation aux senteurs d’acacias.
Andrée BENOS, née Roux, élève du lycée Laveran de 1926 (maternelle) à 1939 (philo).